Les loupiots, Aristide Bruant (1851-1925)
C’est les petits des grandes villes,
Les petits aux culs mal lavés,
Contingents des guerres civiles
Qui poussent entre les pavés.
Aristide Bruant, (1851-1925), « Les loupiots », Dans la rue, 1895
Sans gâteaux, sans joujoux, sans fringues,
Et quelquefois sans pantalons,
Ils vont dans les vieilles redingues
Qui leur tombent sur les talons.
Ils traînent, dans des philosophes,
Leurs petits pieds endoloris,
Serrés dans de vagues étoffes...
Chaussettes russes de Paris !
Ils se réchauffent dans les bouges
Noircis par des quinquets fumeux,
Avec des bandits et des gouges
Qui furent des loupiots comme eux.
Ils naissent au fond des impasses,
Et dorment dans les lits communs
Où les daronnes font des passes
Avec les autres et les uns...
Mais ces chérubins faméliques,
Qui vivent avec ces damnés
Ont de longs regards angéliques,
Dans leurs grandes châsses étonnées.
Et, quand ils meurent dans ces fanges,
Ils vont, tout droit, au paradis,
Car ces petits-là sont les anges
Des ruelles et des taudis.
C’est les petits des grandes villes
Les petits aux culs mal lavés,
Contingents des guerres civiles
Qui poussent entre les pavés.
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L’artiste français Aristide Bruant (1851-1925) est l’homme à tout faire de Montmartre, à Paris. Chansonnier, écrivain, chanteur, poète, comédien, dramaturge et propriétaire de cabaret, il se fait une place au Chat Noir, cabaret renommé. Toulouse-Lautrec l’immortalise portant chemise rouge, veste de velours noir, hautes bottes et longue écharpe rouge. Initiateur de la chanson réaliste, la langue de ses poèmes emprunte à l’argot des classes populaires et peint les déboires et les luttes des pauvres et des défavorisés. D’apparence simple, sa poésie dévoile la puissance du raccourci et la précision du terme. Sa voix rauque est l'une des premières gravées sur disque.
Aristide Bruant - Dans la rue (avec paroles)