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Issynetoo
26 octobre 2018

Les loupiots, Aristide Bruant (1851-1925)

bruant


C’est les petits des grandes villes,

Les petits aux culs mal lavés,

Contingents des guerres civiles

Qui poussent entre les pavés.

 Aristide Bruant, (1851-1925), « Les loupiots », Dans la rue, 1895

Sans gâteaux, sans joujoux, sans fringues,

Et quelquefois sans pantalons,

Ils vont dans les vieilles redingues

Qui leur tombent sur les talons.

 

Ils traînent, dans des philosophes,

Leurs petits pieds endoloris,

Serrés dans de vagues étoffes...

Chaussettes russes de Paris !

 

Ils se réchauffent dans les bouges

Noircis par des quinquets fumeux,

Avec des bandits et des gouges

Qui furent des loupiots comme eux.

 

Ils naissent au fond des impasses,

Et dorment dans les lits communs

Où les daronnes font des passes

Avec les autres et les uns...

 

Mais ces chérubins faméliques,

Qui vivent avec ces damnés

Ont de longs regards angéliques,

Dans leurs grandes châsses étonnées.

 

Et, quand ils meurent dans ces fanges,

Ils vont, tout droit, au paradis,

Car ces petits-là sont les anges

Des ruelles et des taudis.

 

C’est les petits des grandes villes

Les petits aux culs mal lavés,

Contingents des guerres civiles

Qui poussent entre les pavés.

.

Biographie: 

L’artiste français Aristide Bruant (1851-1925) est l’homme à tout faire de Montmartre, à Paris. Chansonnier, écrivain, chanteur, poète, comédien, dramaturge et propriétaire de cabaret, il se fait une place au Chat Noir, cabaret renommé. Toulouse-Lautrec l’immortalise portant chemise rouge, veste de velours noir, hautes bottes et longue écharpe rouge. Initiateur de la chanson réaliste, la langue de ses poèmes emprunte à l’argot des classes populaires et peint les déboires et les luttes des pauvres et des défavorisés. D’apparence simple, sa poésie dévoile la puissance du raccourci et la précision du terme. Sa voix rauque est l'une des premières gravées sur disque.

Aristide Bruant - Dans la rue (avec paroles)

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14 octobre 2018

Aux arbres Victor Hugo

 

 

forêt 2

Arbres de la forêt, vous connaissez mon âme!
Au gré des envieux, la foule loue et blâme ;
Vous me connaissez, vous! – vous m’avez vu souvent,
Seul dans vos profondeurs, regardant et rêvant.
Vous le savez, la pierre où court un scarabée,
Une humble goutte d’eau de fleur en fleur tombée,
Un nuage, un oiseau, m’occupent tout un jour.
La contemplation m’emplit le coeur d’amour.
Vous m’avez vu cent fois, dans la vallée obscure,
Avec ces mots que dit l’esprit à la nature,
Questionner tout bas vos rameaux palpitants,
Et du même regard poursuivre en même temps,
Pensif, le front baissé, l’oeil dans l’herbe profonde,
L’étude d’un atome et l’étude du monde.
Attentif à vos bruits qui parlent tous un peu,
Arbres, vous m’avez vu fuir l’homme et chercher Dieu!
Feuilles qui tressaillez à la pointe des branches,
Nids dont le vent au loin sème les plumes blanches,
Clairières, vallons verts, déserts sombres et doux,
Vous savez que je suis calme et pur comme vous.
Comme au ciel vos parfums, mon culte à Dieu s’élance,
Et je suis plein d’oubli comme vous de silence!
La haine sur mon nom répand en vain son fiel ;
Toujours, – je vous atteste, ô bois aimés du ciel! –
J’ai chassé loin de moi toute pensée amère,
Et mon coeur est encor tel que le fit ma mère!

Arbres de ces grands bois qui frissonnez toujours,
Je vous aime, et vous, lierre au seuil des autres sourds,
Ravins où l’on entend filtrer les sources vives,
Buissons que les oiseaux pillent, joyeux convives!
Quand je suis parmi vous, arbres de ces grands bois,
Dans tout ce qui m’entoure et me cache à la fois,
Dans votre solitude où je rentre en moi-même,
Je sens quelqu’un de grand qui m’écoute et qui m’aime!
Aussi, taillis sacrés où Dieu même apparaît,
Arbres religieux, chênes, mousses, forêt,
Forêt! c’est dans votre ombre et dans votre mystère,
C’est sous votre branchage auguste et solitaire,
Que je veux abriter mon sépulcre ignoré,
Et que je veux dormir quand je m’endormirai.

Victor Hugo

 

 

 

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